La bataille de KOERLINJournées du 1 et 2 mars.
Ils arrivent en vue de Belgard (Bialogard), Christian de la Mazière : "Nous n'avions que peu de choses avec nous. De même que l'armement, le ravitaillement étaient demeuré à Hammerstein"..."Accompagné de quelques-uns de mes hommes, je décide, pour ma part, de faire une descente à Belgard. Nous sommes bien accueillis par les quelques civils qui restent".
L'Inspektion allemande s'établit dans une grosse maison à Boissin (9 km au sud de Belgard). Le Waffen-Oberführer Puaud s'établit pour sa part à Kowanz, à l'ouest de Körlin. Le reste de la division se réorganise dans une plaine gelée près du hameau de Sternkrug. Les hommes fatigués dorment à même le sol, dans les fossés. Les plus chanceux ont gardé leurs toiles de tente.
La division est constituée d'un Régiment de Marche (R.M) aux ordres du Waffen-Sturmbannführer Raybaud comprenant deux bataillons : Fenet qui est nommé Waffen-Hauptsturmführer et Bassompierre. Un régiment de Réserve (R.R) aux ordres du Waffen-Hauptsturmführer de Bourmont. Enfin le PC divisionnaire s'installe au château de Kerstin. La réorganisation plutôt rapide est assez anarchique, la cohésion, les affinités sont détruites. Un bataillon entier, le II./58 est affecté au Régiment de Réserve alors qu'il n'a pas encore combattu !
L'ordre arrive, la division doit prendre position autour de Körlin, le Régiment de Marche doit tenir la ville. Le Régiment de Réserve, un peu plus au nord, doit s'établir le long de la rivière Persante. L'axe principale menant jusqu'à Kolberg doit rester ouvert pour permettre l'évacuation des civils et des forces allemandes. De la Mazière : " Nous emportions un maximum d'armement léger. Les fusils et les sturmgewher battaient notre poitrine, nous faisaient ployer le cou. Le plus pesant, c'étaient les mitrailleuses MG 42 qui, avec leurs bandes, faisaient tout de même vingt kilos."
3 mars.
Le bataillon du Waffen-Hauptsturmführer Bisiau arrive de Greifenbeg (Gryfice) et vient gonfler les effectifs du Régiment de Marche. Le PC est situé sur la place principale, certainement la mairie. En fin de soirée les Russes approchent du flanc ouest de la division, des troupes sont signalés en direction de Kolberg. Le PC déménage une nouvelle fois et s'installe à Körlin même.
4 mars.
A 2 heures du matin, les blindés soviétiques qui montent vers Kolberg atteignent Gross Jestin, gros village situé sur la route Schievelbein à Kolberg (à l'extrémité ouest du dispositif de la division Charlemagne). Sur les lieux, il n'y a qu'une seule compagnie de combat venus en renfort de Greifenberg; toutes les autres unités étaient composées de gens de service. Le Waffen-Rottenführer Sourlat : "Je vis en quelques secondes, un spectacle plutôt cocasse : les premiers de chez nous, levant les bras, faisant face à quelques soldats ennemis dans la même position ! Bien sûr, l'épisode fut très court Le feu fût ouvert de part et d'autre, bien plus nourri en face que chez nous grâce au nombre d'armes automatiques présentes." Les Français parviennent en partie à s'échapper. Une colonne motorisée d’environ 200 hommes commandé par SS-Sturmbannführer Katzian prend la direction de l’Oder. Une partie des blindés de cette même unité, la 45e brigade du 11e corps Blindé de la Garde, se dirige dorénavant sur Körlin. Des unités soviétiques venant de Bad Polzin sont aussi signalés. La division est donc menacée à l'ouest et au sud. "Vraiment, ça commençait à sentir mauvais. Il ne restait plus qu'un mince couloir, au nord-ouest, du côté de l'Etat Major de Krukenberg."
Vers 12h00, le Kampfkommandant Raybaud se dirige vers le pont sur la Persante à la sortie ouest de la ville, sur la route menant à Stettin. Son intention était de rappeler aux pionniers de ne pas le détruire précipitamment. Le Waffen-Sturmbannführer Raybaud : « Lorsque je me trouvais aux abords du pont, les blindés étaient seulement visibles à la jumelle, à deux kilomètres au moins de distance, qu’ils ne pouvaient être valablement identifiés, que les avant-postes installés à 500 mètres sur un mouvement de terrain en avant du pont étaient toujours en place, que je les savais toujours là, qu’avant qu’un obus éclatât dans la rue conduisant au pont ». Il est gravement touché aux jambes et remplacé par le Waffen-Hauptsturmführer de Perricot. De la Mazière : " Les soviétiques, maintenant, arrivent en force. Ils avaient commencé, à l'est, par tester nos défenses : elles tenaient solidement. On pressent désormais qu'ils attaqueront par le sud-est. Les défenseurs de Belgard, nous venions de l'apprendre, avaient cédé. Les français, qui y combattaient aux côtés des allemands, se repliaient vers Stettin, ils ne viendraient pas nous renforcer"
L'infanterie soviétique franchit la Persante mais le I./RM du Waffen-Obersturmführer Fenet contre-attaque (PC à Redlin). Les Russes reculent jusqu'aux lisières de la ville, aux abords des forêts.
Dans la soirée la division reçoit l'autorisation de se replier. Le général von Tettau dispose encore d'environ 10.000 hommes (Charlemagne comprise) qui doivent percer à l'Ouest. Le Général Rauss ordonne à la Charlemagne de se regrouper près de Greifenberg, objectif : établir une nouvelle ligne de front. Le décrochage doit s'effectuer vers Belgard qui, grâce au sacrifice d'un bataillon du Korpsgruppe Munzel, tient encore.
Le I./RM Fenet part avec l'Inspektion dont le SS-Brigadeführer Krukenberg qui mène lui même la direction. Le Régiment de Réserve du Waffen-Haupsturmführer de Bourmont avec le Waffen-Oberführer Puaud et son état major décrochent en second. Le II./RM du Waffen-Haupsturmführer Bassompierre doit constituer l'arrière garde. Enfin le Waffen-Haupsturmführer Remy formera l'arrière garde de l'arrière garde et seront donc les derniers éléments de la division à décrocher.
5 mars
Entre 1 heure et 2 heure du matin, les hommes du bataillon Fenet arrivent devant Belgard. Il fait clair comme en plein jour. La ville brûle partiellement. Les allemands de la Wehrmacht qui défendent cette cité paisible transformée en place forte en sont maintenant au corps-à-corps. Les rues sont encombrées de cadavres et de véhicules abandonnés, sur qui les maisons s'écroulent. Guidé par le SS-Brigadeführer Krukenberg, le bataillon Fenet poursuit sa route au sud-est, là où les couverts sont silencieux et profonds...direction le dépôt de Greifenberg. Derrière eux, les trois autres bataillons ne tardent pas à les suivre.
Fin du Régiment de Réserve (RR)
Vers 1 heure du matin, le Waffen-Oberführer Puaud décide enfin de rattraper l'avant garde mais dès le départ de Körlin, le régiment de réserve prend un retard considérable. Ils sont plus de deux milles hommes qui piétinent dans la neige fondue que des gradés essaient de former par sections et compagnies. Le moral n'y est plus.
Le Régiment de Réserve contourne Belgard, certains pénètrent dans la ville en éclaireur mais rebroussent vite chemin, les Français négligent les forêts. Les hommes du Waffen-Haupsturmführer profitent du brouillard pour traverser une énorme plaine vallonnée. Le brouillard pourtant épais se dissipe très vite, ils sont encerclés de partout ! La colonne de Bourmont est anéantie peu après 8 heures du matin, sans munitions par une formation russe armée de fantassins, de tanks et d'artillerie lourdes. Le Waffen-Oberführer Puaud blessé à la jambe ainsi que le Waffen-Hauptsturmführer disparaissent, morts.
Un survivant du massacre : "Quelques trois mille hommes, se trouvaient par un matin froid et pluvieux dans une forêt de pins, près de Belgard. Au lever du jour, notre groupe s'engagea dans une plaine couverte de neige. Les hommes harassés marchaient en files espacées d'une quinzaine de mètres. On s'apercevait à peine, à cause du brouillard et de la neige qui tombait dru. Elle cessa soudain, et le soleil apparut, chassant la brume. Aussitôt retentit un tapage infernal, se déclenchant à chaque extrémité de la forêt : les Russes étaient là. Pris entre deux feux, les soldats tombaient ou tentaient de fuir, qui en arrière, qui en avant. Des officiers essayèrent de rassembler leurs troupes, mais ils tombèrent eux aussi...Les tirs russes se concentrèrent rapidement sur nous. Fusils, mitrailleuses, canons légers, canons lourds, mortiers nous prenaient pour cible, la neige volait, déchirée et noircie par les explosions. Trop fatigués pour courir, trop énervés pour nous coucher, nous marchions sans cesser de tirer, nous relayant pour porter la mitrailleuse et l'approvisionner...Peu à peu les tirs se firent moins denses, et nous avons pu atteindre l'orée de la forêt. En me retournant, je vis que la plaine, blanche quelques instants plus tôt, était devenue noire. Des chars ennemis et des troupes à pied la sillonnaient achevant les blessés."
Le SS-Brigadeführer Krukenberg : "Je suis parti avec le bataillon d'avant-garde, celui que commandait le Haupsturmführer Fenet, un de nos meilleurs officiers, qui s'était déjà distingué en Galicie et devait commander les Français à Berlin. J'avais dit aux autres, restés sous le commandement de Puaud : "Marchez la nuit mais cachez vous le jour dans les forêts." Ils ont fait le contraire ! Alors nous sommes passés à quinze cents sur six mille..."
Jacques C, grenadier au R.R " Il est faux de dire que Puaud nous a fait marcher à découvert alors qu'il fallait se dissimuler. En fait, Körlin se trouve dans la plaine et il fallait faire au moins une dizaine de kilomètres pour trouver une forêt de quelque importance. Le fait qu'il nous ait fait quitter la ville à l'aube en profitant du brouillard prouve parfaitement ce qu'il faisait. En fait, le drame s'est joué lorsque nous avons atteint les bois. Ceux-ci n'étaient pas vides comme nous le pensions, ils dissimulaient un détachement blindé. Ces blindés sont alors sortis du bois et l'ont encerclé. Nous étions totalement désarmés, certains sans armes, tous sans munitions. Toute résistance était impossible".
La surprise semble effectivement venir des bois, un autre témoignage : " Après avoir contourné Belgard, nous arrivons au trop grand jour dans un bois où à peine installés nous recevons des obus. Débandade des hommes et chevaux sur un plateau où canons, chars, mitrailleuses tirent trop haut exprès, Dieu merci."
Le Waffen-Obersturmführer Multrier, chef de la défense passive de la division : " Le général Puaud, blessé à la jambe, se trainait péniblement sur la route. Un sous-officier français le rencontre et l'installe sur le siège d'une motocyclette. Mais ils sont attaqués par des tireurs russes. le général Puaud est à nouveau blessé. Trop grièvement pour continuer la route. Approchant de Greifenberg, le sous officier dépose son chef dans un hôtel et l'installe dans une salle du rez-de-chaussée, où se trouvent déjà d'autres blessés. Puis il s'éloigne à pied. ce sous-officier reviendra le lendemain, en civil, alors que les Russes se sont emparés de la ville. Il constate alors que la salle du rez-de-chaussée de l'hôtel où il a déposé le général Puaud est vide. mais que le sol et les murs sont tachés de sang."
Fin du IIe Bataillon de Marche (II./RM) assurant la retraite de la division.
Le II./RM du Waffen-Haupsturmführer Bassompierre tient encore Körlin. "Six heures, douze heures, vingt-quatre heures...on tenait toujours." mais "Le soir tombé, cependant, nous avons compris que la fin approchait. Les Russes, qui attaquaient de tous les côtés à la fois, nous réduiraient le lendemain. Notre effectif avait subi une lourde saignée: de sept cent cinquante, nous n'étions plus, environ, que trois cent cinquante". Le bataillon s'échappe par la voie ferrée à l'est de la ville. Les Russes sont partout, à la lisière des forêts, sur les grands axes. Le bataillon est rapidement dispersé, anéanti malgré toute l'énergie et le courage des hommes. Le Waffen-Haupsturmführer Bassompierre est capturé par les Russes le 17 mars. Il est successivement interné à Arnwalde, Posen, Walka en Estonie puis Tabs près de Leningrad, Sigeht en Roumanie puis enfin en avril 1946 à St Florentin en Autriche.
Robert B.. du Bataillon Bassompierre raconte sa tentative de percée : "Je n'ai jamais perdu l'espoir; nous y étions encouragés par les bruits de combat, lointains pour certains, que nous percevions fort bien : Dantzig, au nord, Kolberg à l'ouest, d'autres secteurs à l'est. A la longue, un certain vide dans la tête, une faiblesse croissante mais un vouloir-vivre toujours présent."
Soldats du II./RM Bassompierre capturés après la tentative de percée, entre Kolberg et Alt-Bork .
On remarque deux Waffen-Untersharführer dépouillés de leurs manteaux, certainement pour la photo et la nécessité de montrer les runes SS