Rétablissons la vérité :
LA PELLE DU 18 JUIN
Que de fois n'a-t-on pas entendu cette formule aux accents mystérieux ?
Forcément incultes et niaises, les jeunes générations ignorent tout des détails de cette journée historique.
C'est donc spécialement à leur intention que je lève le voile sur les évènements qui ont forgé la légende de ce jour à nul autre pareil.
Le 18 juin 1944, le général De Gaulle est en train de prendre le petit déjeuner à la terrasse de sa propriété,
le château de Moulinsart, qui domine un vaste jardin à la française.
Ce jour là, le jardinier étant absent (le malheureux a été victime d'une gastro dans la nuit),
le général est pris d'une envie soudaine de jardiner.
Cela ne lui arrive jamais, bien trop absorbé qu'il est par les affaires du pays.
Mais ce matin, Dieu sait pourquoi, voilà qu'il a envie de jardiner.
Il appelle donc son épouse et l'informe de son désir de planter sur-le-champ de petites carottes nouvelles.
Pour ce faire, il lui demande de lui fournir une pelle.
Problème : une visite rapide à l'établi du jardinier a permis à Yvonne de constater que la pelle qui sert à planter les légumes est cassée.
Le manche est déboîté et le clou qui le maintient en place dans la base métallique est parti.
Impossible d'utiliser cette maudite pelle.
Yvonne De Gaulle est très contrariée de ne pouvoir satisfaire instantanément son époux.
En effet, bien qu'elle soit sa femme et qu'elle bénéficie d'évidence d'un traitement de faveur auprès du grand homme,
on ne plaisante pas avec les désirs du général.
Il faut donc trouver une pelle au plus vite afin que Charles puisse satisfaire son envie de jardiner.
N'écoutant que son devoir, Yvonne monte en voiture et fait les quelques kilomètres qui séparent la propriété des De Gaulle du Leroy-Merlin de Moulinsart.
Heureusement, l'établissement est bien fourni en pelles et elle n'a que l'embarras du choix.
Elle prend celle qui lui semble le mieux convenir à son auguste époux, un modèle assorti à sa tenue kaki, et quitte les lieux sans payer
(tout le monde connaît les de Gaulle et aucun commerçant n'aurait l'outrecuidance de leur demander de payer quoi que ce soit).
De retour à la ferme sur les chapeaux de roue, elle remet avec fierté la pelle à son mari. Ravi, celui-ci s'en empare, et en caresse affectueusement le manche.
Parfait ! Avec un tel outil, s'écrie-t-il, il y a de quoi travailler correctement.
Heureux comme un enfant, le général s'en va rejoindre le petit carré de terre où il projette de planter des carottes nouvelles, et commence à bêcher avec ardeur.
Voilà assurément une journée qui commence bien, se dit-il.
Une journée qui, comme toutes celles vécues par le général, est assurément de celles dont l'Histoire se souviendra.
Et de fait, l'Histoire de France s'en est souvenu – on se demande bien pourquoi en réalité.
Mais c'est ainsi que cette journée - que doit connaître tout jeune Français cultivé
et de bonne éducation - est devenue celle de ce que l'on appelle dans les livres scolaires « la pelle du 18 juin ».