"Je suis né en 1922, je vais avoir 83 ans. En 1939, j'étais à Rennes et tous mes copains partaient pour l'armée, ils avaient 18 ans, au contraire de mon copain Urbain Nicol et moi qui avions un an de moins: la seul armée qui pouvaient nous accueillir était donc la Marine. Nous avons déposé notre demande d'engagement, mais nous ne sommes partit qu'en 1940. Je suis donc parti passer les visites d'aptitudes à la caserne du Colombier à Rennes en février de cette même année. Le 19 février 1940, j'ai rejoint Brest pour embarquer sur le cuirassé Courbet, mon copain Urbain rejoignant pour sa part le Paris. Le Courbet était également un navire école et je devais commencer mon cour d'apprenti-cannonier le 1er mars.C'était un bateau impréssionant, je me souvient de six tourelles de 305mm, mais aussi des 75mm et des 45mm antiaériens. Nous avons donc quité Brest pour aller défendre Cherbourg, car les Allemands venaient y mouiller des mines dans la rade. Notre commandant se nomait Croizer; il a été remplacé par Wietzel. Nos premiers affrontements ont eu lieu face a Caretan. Le 19 juin 1940, nous avons finalement fait route pour l'Angleterre, car je ne pense pas que nous avions assez de charbon pour nous rendre jusqu'en Afrique du Nord. Nous avons donc atteint Porsmouth, ce qui marque la fin de notre guere de 1939-1940. Ce n'est peut être pas terrible, mais nous nous sommes quand même battus, nous avons d'ailleur eu des blessés à bord, tous ont été touchés par des avions. Lorsqu'ils tiraient, ils balayaient un peu partout.
Le vieux cuirassé Courbet fut mis à l'eau en 1913. Son armement en faisait, à l'époque, le navire le plus impréssionnant de la Royale: il était équipé de 12 canons de 305mm, 22 canons de 138mm, 14 canons de 75mm et 4 tubes lance-torpilles de 450mm. Accusant 22.000 tonnes, il ne falait pas moins de 24 chaudières pour le propulser à une vitesse de 21 noeuds. Ce mastodonte des mers emportait un total de 1.100 hommes à son bord. Il terminera sa très riche carrière en juin 1944, face à Hermanville-sur-Mer, utilisé comme brise-lames après avoir été sabordé. Les ferrailleurs procédèrent à son démentèlement partiel dès 1945, son épave repose aujourd'hui par neuf mètre de fond. pour l'heure, le vieux bâtiment français vient d'atteindre les côtes anglaises, avec le jeune Léon Gautier à son bord.
"Nous avons donc appareillé en Angleterre, mais nous n'étions pas au bout de nos suprises. Un matin, un Anglais vint me tirer de mon hamac d'un léger coup de baïonette dans les fesses en me disant: Get Up!... Les britanniques avaient envahi le bateau et fait débarquer tout l'équipage. On nous à réuni sue le quai en demandant si on voulait continuer dans la marine anglaise ou rentrer en France. Vu de la manière cavalière dont ils nous avaient débarqué du Courbet on a dit à 99%:"On rentre en France". C'est ainsi qu'on nous a dirigé par le train vers Southampton et, de là, nous sommes resté 3 jours sur un paquebot. Puis, on nous à fait monter de nouveau dans un train, je me suis réveillé a Haydock Park un champ de courses. Sur place, nous pouvions quand même sortir dans Wigan, on avait le droit à un peu d'argent de poche. C'est en prenant le thé chez deux anglais-qui nous avaient invité dans l'espoir de parfaire leur français-que nous avons appris par la radio l'existence d'un général nommé de Gaulle, disant qu'il était de continuer la guerre et demandant aux soldats français de s'engager à ses côtés. Avec deux autres copains, on a donc décidé de partir. Nous avons été envoyé pour Londres, ou nous sommes arrivé le 13 juillet. Et le lendemain, nous défilions dans les rangs Français! Je suis resté quelques temps au dépôt de la Marine, puis on a demandé des volontaires pour l' AMBC, qui était l'armement militaire des bâtiments de commerce. J'ai donc embarqué sur le Gallois, un navire de 3.700 tones, où à la place des six canonniers prévu nous nous sommes retrouvé à deux, Robert Coste-un gar d'Avignon-et moi-même. Notre commandant était un Breton de Paimpol, et je me rappelle aussi que nous avions deux jeunes officiers belges: il n'y avait pas assez d'officier français! Avec un équipage mixte nous avons appareillé pour le New-Foundland (Terre-Neuve) en contournant l'Ecosse. Sur place, nous avons chagé de la bauxite et d'autres minerais. Une anecdote me evient d'ailleur à l'esprit: nous avions un chaufeurt musulman à qui notre cuistot a proposé du cassoulet en ne lui disant pas que c'était du porc. Lorsqu'il à apprit qu'il sagissait de porc, le chauffeur a donné un coup de couteau au cuistot qu'il a fallu débarquer à Sydney, au Canada, pour qu'il y soit soigné! En échange, nous avons récupéré un cuistot Canadien, qui ne voulait pas embarquer sans son aide, ce qui nous arrangeait bien, puisque c'en était fini pour nous de la sempiternelle corvée de patates!